Le Dernier Frère de N.APPANAH

"NOus étions deux enfants du malheur accollés l'un à l'autre par miracle."
Le premier mot qui me vient pour évoquer ce livre : EMOTION. Pourtant, je suis particulièrement peu douée en résumé et choisir un seul mot de vocabulaire pour regrouper toute une histoire n'est pas un exercice simple pour moi mais... Ce livre couvre deux passages primordiaux de la vie humaine : l'ENFANCE et la VIEILLESSE. aux antipodes l'une de l'autre, elles sont pourtant parfois similaires dans bien des états, comme si la vie était une montagne à gravir et qu'une fois au sommet, il nous fallait faire le chemin inverse de celui que nous venions de franchir...
Raj, le narrateur, est mauricien, il est grand-père quand il raconte son histoire, mais c'est bien un évènement particulier de son enfance qu'il nous conte et qui déterminera ce qu'il deviendra, une fois vieux.
L'écriture est d'une poésie si légère qu'il est impossible de rester de marbre face à la façon d'écrire de l'auteur à moins de ne pas aimer lire et dans ce cas, aucun ouvrage ne peut vous toucher...
Je suis rentrée sans mal dans la peau de ce petite mauricien de 9 ans, ignorant de la vie, ignorant de l'Histoire, une petit vie sur son île avec le peu qu'il y avait à l'époque en 1945 à Maurice. Placé entre deux frères, il restera seul auprès de sa mère, qui, vit une existence de femme soumise à la violence d'un mari qui travaille dure toute la journée et noie ses soirées dans l'alcool jusqu'à rentrer furibond et monstrueux chez lui pour "dérouiller" tout ce qui fait sa famille  : femme et enfants, donc. Tel est le quotidien du petit Raj sur son île.
Un cyclone dévastateur prend bientôt la vie de ses deux frères qu'il idôlatraient par-dessus tout, le voici seul au monde, avec sa maman pour "Déesse"  de la Sainteté et son infini creux au coeur et corps.
La famille amputée déménage car le père trouve un nouveau travail après la fermeture de l'usine de cannes à sucre où il travaillait avant le cyclone. Le père est maintenant gardien de prison. Une prison particulièrement spéciale puisqu'elle ne renferme que des blancs squelettiques et malades, qui parlent une langue inconnus et qui dénomment une sort d'El Dorado : "ERETZ" à tout bout de champ.
Jusque là, Raj, n'a aucune idée du quotidien professionnel de son père mais lors d'une "râclée" monumentale, ce dernier manque de le tuer et pour le sauver, Raj intègre l'hôpital de la prison. Il y sera en convalescence pendant des semaines et c'est ainsi qu'il fera plus ample connaissance avec David, un jeune garçon presque de son âge qu'il avait déjà observé à travers les barbelés de la prison lorsqu'il venait apporter le déjeuner à son père.
Raj en manque constant de fratrie se prend immédiatement d'amitié pour ce petit être qui le fascine par ses boucles blondes et sa peau diaphane.
Dans l'enfer de la prison, dans le poids de la déportation, dans la solitude et l'abandon, deux enfants jouent, deux enfants deviennent amis, deux enfants fuguent, de l'espoir plein le coeur et la tête jusqu'au retour brutal à la réalité.
Raj, grand-père, vit avec ce secret depuis l'enfance et décide qu'il est temps de libérer la parole et de redonner à David la part d'existence qu'il a eu pour lui.
J'ai bien souvent eu le coeur serré à lire ce roman qui parle d'un évènement méconnu, celui de l'ammarrage d'un bateau transportant des juifs en route pour la Palestine à la fin de la guerre et qui seront refoulés à la frontière car sans papiers en règle. Ils atterriront pour finir à Maurice où ils mourront ou survivont 4 ans dans une prison d'exil, atteints de toutes les maladies possibles et inimaginables.
Natacha APPANAH sait bien faire le parallèle entre l'insouciance de l'enfance et la prise de conscience de la vieillesse, on évolue donc dans ce paysage splendide et luxuriant de Maurice, dévasté deux fois par des cyclones et les personnalités des personnages, hommes et femmes simples que le hasard mettra en contact, d'où naîtra une amitié fondée sur beaucoup de tristesse et de détresse mais aussi d'Amour à donner et à recevoir.
Ce livre est tout simplement touchant, l'histoire est intemporelle et passe les barrières de la différence, la guerre, la misère pour mettre en relief l'humanité qui sommeille en chacun de nous.