Passion architecture à Cuba

Publié le par Kelidoma

Je ne sais si vous avez regardé le dernier opus des "Racines et des Ailes" mercredi soir mais c'était passionnant.
L'émission nous fait suivre Giordano, un architecte cubain qui réhabilite les vieilles bâtisses du Centre de La Havane.
Ce que j'ai trouvé particulièrement bien, c'est la volonté humaniste de la ville de reloger les gens, en particulier les plus pauvres, dans le centre-ville et non pas de les repousser à la périphérie comme on aime à le faire en France, par exemple. Parce que les gens ne sont ni riches, ni cultivés, ils ne peuvent pas apprécier la beauté d'un lieu ? Tel est sans doute l'esprit qui s'affirme en repoussant les gens des centres où l'architecture est bien souvent conservée et vestige d'un passé glorieux...
Il n'en est rien à la Havane où nous suivons l'histoire de Maria, née dans une bâtisse du centre-ville et qui y vit depuis presque 40 ans. Elle aime cet appartement de famille qui lui raconte sa propre histoire et la rassure malheureusement, l'état de délabrement est tel qu'il risque de s'effondrer sur elle. Bien consciente du danger, elle suivra Giordano dans son nouveau logement, très peu loin de l'ancien, un appartement réhabilité dans le même style que celui qu'elle occupait, avec un patio intérieur et une vue sur ce même patio d'une chambre, et surtout, une révolution pour elle, ses propres toilettes...

Giordano est passionné et cette passion est communicative même à travers la caméra. O
n rencontre Mavis, qui restaure des fresques. Elle est en train d'accomplir un travail sur un mur entier et nous explique que c'est très rare, jusque là, elle n'avait eu l'occasion de reprendre que des fresques beaucoup plus petites voire incomplètes. Son travail est très minutieux et je suis admirative de sa patience et de son dévouement.

Le reportage nous entraînera aussi en dehors de La Havane, dans une autre ville où nous rencontrerons un descendant de colonialiste qui a conservé son patrimoine intact. La demeure qu'il habite est extraordinaire. Les faïences datent du XIXème siècle, les colonnes ont l'aspect du marbre mais sont en fait en plâtre, la robinetterie et la baignoire sont aussi d'époque ainsi sans doute que toute la plomberie. Il s'agit là pour Giordano d'un vrai trésor, habité, en plus !
J'ai aimé en particulier, aussi, l'enseignement dans un musée. Il y a une dizaine de musées dans la Havane qui en plus des visiteurs habituels de ces lieux accueillent maître et élèves où sont dispensés les cours. L'avantage pour les élèves et le maître est de jouir du calme des lieux, de la beauté des oeuvre dont témoignent les enfants interrogés qui n'ont pas plus de 8 à 10 ans et de la progression notable et remarquée de leurs acquisitions que reconnaît le maître. Je trouve cette idée, en dehors de son originalité indubitable, vraiment attachante. Le musée devient un lieu vivant et non plus symbole d'une culture endormie et élitiste. Les oeuvres d'art africaines côtoient sans gêne les petits cubains autour d'une même idée : la culture, la découverte, l'art et l'acquisition de ceux-ci.
Je reste convaincue que c'est en effet en côtoyant ce monde de près qu'on y entre sans malaise et que nos goûts artistiques, quels qu'ils soient, s'exprimeront sans retenue car ils seront l'expression même de notre sentiment profond. Je sais que parfois, l'Art peut paraître inaccessible, lointain et que sans initiation, ses portes peuvent restées closes mais ceci est bon pour les puristes, ceux qui veulent en faire une sorte d'acquis bourgeois et une ségrégation sociale. Pour ma part, ce monde est le mien, même si je méconnais beaucoup de choses, et alors, c'est mon coeur qui parle pour promouvoir tel ou tel artiste dans chaque domaine. Le fait de pouvoir être confronté à cela tout petit donnera ainsi à l'adulte cette liberté d'expression, cette liberté de dire "j'aime" ou "je n'aime pas" même s'il s'agit d'une célébrité dans le monde artistique. Et puis, personnellement, j'aime les moutons qui ne suivent pas troupeau, leur spontanéité est souvent beaucoup plus intéressante que le savoir des meilleurs érudits.
Enfin, bref, tout cela pour dire que ce reportage m'a vraiment touchée. Sur fond de salsa, bien sûr, nous avons découvert un aspect de la culture cubaine transportant, avec un détour par ce qui fait que Cuba est Cuba, le rapport au tabac et la fabrication des cigares. Car Giordano sait aussi renouer avec le côté agricole de son île. Il nous fait découvrir une tradition qui se perpétue encore à notre époque, celle du lecteur. D
ans le temps, un lecteur était rémunéré par les ouvriers des usines de fabrication de cigares pour leur faire la lecture d'oeuvres littéraires auxquelles ils n'auraient pas eu accès sans lui puisqu'ils ne savaient pas lire. Aujourd'hui, j'ose espérer que tout le monde sache lire, ouvrier ou pas, mais la tradition de l'histoire contée a été gardée, dans le reportage, c'était "Boule de Suif" de Maupassant. une délicieuse façon d'apprendre et d'apprécier l'écrit en joignant l'utile à l'agréable...

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