Autobiographie d'une esclave

Publié le par Kelidoma

Voici le dernier ouvrage que je viens de finir, commencé cet été.
Après une préface très riches en informations, utile et nécessaire à lire, mais assez rédibitoire tout de même, on entre dans le roman lui même.
La préface m'a appris beaucoup de choses, notamment, qu'à l'époque de l'esclavage aux Etats-Unis, les livres qui sortaient sur le thème étaient souvent écrits par des blancs (et pour des blancs) mais aussi que les très rares ouvrages écrits par des Noirs (pour des blancs, en majorité, puisque ceux-ci savaient le plus souvent lire) se cachaient sous des personnalités de blancs pour pouvoir être publiés, je me suis donc demandé si l'expression "Nègre" dans le domaine de la littérature ne venait donc pas aussi de cette époque et de ce phénomène...
Celui qui a déniché le manuscrit d'Hannah Crafts ne s'est pas laissé découragé par les obstacles qu'il a rencontrés pour remonter jusqu'à son identité. Au jour d'aujourd'hui, il est d'ailleurs sûr qu'il ne s'agit pas de son vrai nom, en effet, l'auteur décrivant une fuite pour gagner son émancipation, il lui aurait été trop dangereux de livrer de véritables informations sur sa vie, cependant, à travers son roman, il persiste des indices indiquant qu'elle est bien noire, qu'elle a bien été esclave et qu'elle s'est bien échappée d'une propriété du Sud, certaines de ses descriptions de lieux et de personnes correspondraient d'ailleurs à des personnages et des endroits ayant réellement exister.
La préface nous raconte donc tout l'historique de la découverte du manuscrit et des recherches menées pour l'autentifier. Comme je le disais, c'est un peu ardu à lire mais très intéressant.
Le roman en lui-même est apparament un plagia de beaucoup de livres lus par l'auteur, sous la trame d'une histoire empruntée à la vie personnelle de l'auteur.
Ce n'est pas mal écrit, il y a beaucoup de références à la bible et les descriptions de la vie des esclaves et des maîtres de l'époque sont bien rendues, on y croit sans effort.
La psychologie des différents personnages est assez succinte mais cependant assez poussée pour dresser le portrait de chacun, bien que j'aie senti un certain manichéisme.
Il y a beaucoup de romantisme mais pas du romantisme forcément "gnangnan", je trouve d'ailleurs l'auteur, aussi héro de son histoire, très moderne dans ses réflexions de femme : elle refuse de se marier, par exemple, sachant que le mariage, qu'elle considère comme une institution d'Amour représente aussi les chaînes virtuelles qui emprisonnent les esclaves dans leur condition..., elle s'habille en homme pour mieux réussir sa fuite, elle trouve futile toutes les cosmétiques et toilettes dont se parent les Dames de l'époque et insiste sur la dissimulation de la véritable personnalité dont sont l'objet ces symboles de "beauté".
Elle décrit très bien la curiosité qui l'a toujours animée envers la vie, sa soif d'apprendre et de connaître et les risques qu'elle prend pour évoluer, elle fait même un peu preuve de supériorité lorsqu'elle évoque les croyances "surnaturelles" des esclaves et même parfois des maîtres, en indiquant qu'elle n'est pas du tout sensible à cela, pourtant, sa croyance en Dieu, qui, personnellement, ne me paraît pas plus farfelue que celle des fantômes, est très forte. Cette dernière lui permet de supporter les épreuves auxquelles elle est confrontée dans le scénario. Cela a donné un sens à mon ignorance envers l'importance que requiert la religion pour certain et a fini de me convaincre sur le fait qu'il faut parfois à certains l'imagination d'un être bienveillant règnant sur le monde pour surmonter leurs difficultés, après tout pourquoi pas, même si je n'adhère pas à cette idée, ce qui compte, c'est le résultat, et pour Hannah Crafts, le résultat, c'était SA LIBERTE !
J'ai aussi été particulièrement touchée par le phénomène mélanitique fortement connoté dans ce roman et qui, à mon grand désespoir, perdure encore à notre époque. Doudou et moi avons eu une discussion cette semaine à ce sujet qui m'a beaucoup perturbée. Je m'explique sur le roman, je reviendrai sur l'impact actuel ensuite.
Hannah crafts insiste sur la hiérarchie dont sont victimes les esclaves dans les tâches qui leurs sont incombées dans le Domaine. Elle scinde en deux la population noire, mettant d'un côté les travailleurs des champs et de l'autre, les domestiques et ce qui semble déterminer les places des uns et des autres n'est autre que la couleur de leur peau. Au champs : les hommes et femmes de couleur foncée, au Domaine, les hommes et femmes de couleurs clairs, ou mûlatres, métisses ou autres "chabins" ou "po chapé" comme on dit aux Antilles. L'auteur insiste bien sur ce point, mettant en avant la beauté, la sienne et celle d'autres femmes du roman, comme étant "claires de peau", comment les Maîtres prennent comme amantes des femmes claires, donnant naissance à des enfants encore plus clairs, créant la race des créoles, dont certains étaient d'ailleurs tellement proches de la couleur blanche qu'il fallait alors fouiller leur passé pour découvrir une ascendance qu'ils s'évertuaient à cacher ou même parfois, ignoraient. le sujet est d'ailleurs aussi abordé par le personnage de Monsieur Trappe.
Pour rebondir sur l'actualité d'aujourd'hui, Doudou me disait que malheureusement, cette manière de considérer la clarté de la peau comme un privilège est loin d'être éradiquée, aux Antilles, comme en Afrique. Comme si les cerveaux, de génération en génération, avaient continuer d'imprimer un "bug" créé il y a des milliers d'années. Doudou m'expliquait comment, durant toute son enfance et adolescence, en Guadeloupe, il avait "subi" ce préjugé. Comment, les familles "chabines" choisissaient de s'unir entre elles de peur de régresser vers une couleur plus foncée et de pratiquement perdre un respect et une chance d'ascension sociale sans cela, comment la ségrégation perdure encore chez les antillais, et que les personnes les plus susceptibles de réussir, aux études, dans la vie, esthétiquement parlant, sont souvent les plus claires de peau...
A l'heure où nous sommes en train de nous préparer à retourner vivre au "Pays Natal" parce que Doudou ne supporte plus les préjugés métropolitains et moi non plus d'ailleurs, à l'heure où je m'étais mise en tête que Chouchou aurait peut être plus de chances de vivre en paix sur une Terre qui la reconnaîtrait comme la sienne, m'arrive en pleine figure l'explication d'un préjugé on ne peut plus raciste, inqualifiable autrement.
Y-aura-t-il un endroit sur la planète où il nous sera permis de vivre et d'être respectés uniquement pour ce que nous sommes et non pas pour ce que nous montrons ?
Si quelqu'un a la réponse, merci de m'envoyer les coordonnées GPS, je fais ma valise demain...

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