Anna Lee -Chapitre IX

Publié le par Kelidoma

CHAPITE IX

 

Le lendemain matin, il s’installa pour le petit déjeuner à la terrasse de la piscine de l’hôtel avec ses dossiers. Une étonnante concentration professionnelle s’était emparée de lui, pourtant, les évènements de la veille l’assaillaient tout autant. Il ré-étudiait les plans du projet, le rendez-vous avec LEUNG avait lieu le soir même, le lendemain, ils devaient se rendre sur le chantier pour constater l’élaboration des fondations de l’hôtel.

Entouré d’un cadre de rêve, une température agréable avoisinant les trente degrés, une brise matinale relaxante soufflant, Michael aurait dû être au paradis mais son être profond était bien trop tourmenté pour ressentir le repos.

Depuis qu’il avait rencontré Anna Lee, il n’avait éprouvé que contrastes émotionnels. Elle l’attirait, le rassurait et l’angoissait à la fois.

Sous un dossier, il vit apparaître une brochure touristique qui vantait les mérites de la ville. Il s’arrêta sur une curiosité célèbre : la cathédrale Notre Dame, avec sa façade en brique rouge de Toulouse. Un chef d’œuvre architectural français, une marque indélébile de la colonisation. Il lui fallait rejoindre le quartier colonial et traverser le marché Ben Thanh. Lui qui n’était pas particulièrement croyant, ressentait soudain le besoin d’être guidé spirituellement, pour retrouver une paix intérieure et faire les bons choix.

Il plia ses dossiers, se saisit de la brochure et décida de demander à la réception comment s’y rendre.

Après avoir reçu son itinéraire, il s’enfonça dans le théâtre bruyant de la circulation d’HÔ Chi Minh Ville, à bord d’un taxi.

L’édifice se dressait devant lui, avec ses jardins impeccablement entretenus en façade, les tamariniers semblaient lui ouvrir le chemin vers la statue blanc immaculé de la " Sainte Mère " en prière. Un building de verre en arrière plan signait immanquablement la route vers la modernisation de ce pays formant un étrange métissage urbain. Il s’avança devant l’entrée de l’édifice mais une force l’empêcha d’y entrer.

Là ne se trouvaient pas les réponses à ses interrogations intérieures.

Il mit ses mains dans ses poches et retrouva soudain le petit papier plié donné par Anna Lee. La date et l’heure ne correspondaient pas à ce jour mais peut-être pouvait-il déjà repérer l’endroit, pour la prochaine fois ?

Il se mit en quête d’un taxi, lui montra l’adresse, le chauffeur hocha la tête et le conduisit dans le quartier de Cholon, l’ancien quartier chinois de Saigon.

Aujourd’hui, la réputation sulfureuse de ce quartier n’était plus totalement d’actualité, depuis 1975, le gouvernement avait fait le ménage, fermer les bordels et les fumeries d’opium, il ne s’agissait plus que d’un " Grand Marché ".

Le chauffeur le déposa à l’entrée d’une rue. Il était presque le seul européen, dominant de son mètre quatre vingt cinq les autochtones.

A l’affût du client, il était interpellé toutes les secondes par les marchands, lui proposant victuailles et autres souvenirs.

Il s’arrêta près d’une vieille dame, qui semblait habiter sur son étale, il lui montra l’inscription sur son papier. Elle lui désigna une maison en hauteur, en bois peint, bleue, un abri de toile dépassant d’une fenêtre abritant une échoppe. Il s’approcha du bâtiment.

Un vieil homme, à longue barbe, fumait une longue pipe, assis sur une vieille chaise, il semblait attendre.

Qu’attendait-il ? Le savait-il lui-même ? Il semblait là depuis des siècles, près d’une cage, renfermant un coq. Trop exiguë pour lui, la prison de l’animal lui lassait à peine la place de se retourner, les plumes colorées de sa queue dépassaient à travers les barreaux.

Lorsque le vieil homme vit Michael, il lui fit un sourire édenté, agitant la tête de manière positive, il lui montra un calendrier en bambou, et posa son doigt sur une date.

Michael compara avec celle qui était inscrite sur son papier. C’était bien la date désignée par le vieux. Michael fronça les sourcils à l’encontre du vieux.

Cette manière que ces gens avaient de tout savoir avant lui l’intriguait et l’agaçait, aussi.

Le vieux reprit sa position initiale sur la chaise, remit sa pipe en bouche et ignora Michael jusqu’à ce qu’il s’en aille.

Décidément, plus il souhaitait avancer et contrôler quelque peu sa vie, plus elle lui échappait.

Il avait chaud et soif. Il acheta une cannette à un marchand, reprenant la route vers son hôtel, longeant les quais vers l’hippodrome, même en plein jour, à cette heure de l’après-midi, l’agitation était toujours aussi vive et malgré cette vitalité, il ressentait le côté glauque de cet endroit, l’eau morne et marron, la boue des alluvions, la pollution aussi.

La route jusqu’à son hôtel fût plus longue qu’il ne l’imaginait.

Il fût heureux de retrouver l’atmosphère fraîche de sa chambre. Il s’étendit sur son lit pour une sieste et se réveilla juste à temps pour se préparer pour l’entretien avec LEUNG.

Ce dernier, sirotait un verre, dans le salon privé de l’hôtel. Impeccablement vêtu, comme toujours, le sourire glacé de circonstance, sa canne laquée à la main, il fit signe à Michael de prendre place face à lui. Michael posa ses dossiers entre eux. L’entrevue studieuse commença.

 

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